dimanche 7 septembre 2014

La saga des Écrins, de François Labande

L’histoire de l’alpinisme dans le massif des Ecrins n’avait jamais l’objet d’une synthèse globale. C’est chose faite depuis quelques mois grâce à l’ouvrage bien illustré, au style enlevé, de François Labande.



Publié aux Éditions Guérin en mai dernier (cliquez-ici), ce fort volume de 464 pages, illustré de 350 photos, couvre toute la période depuis la découverte du massif et la première ascension du Pelvoux en 1828 jusqu’aux plus récents exploits des années 2000. C’est ce qui fait tout l’intérêt de cet ouvrage. En effet, il existe des ouvrages sur les premiers temps de l’alpinisme dans le massif : Alpinistes britanniques et austro allemands dans les Ecrins, de M. Mestre et M. Tailland, Une mémoire alpine dauphinoise. Alpinistes et guides. 1875 – 1925, de Philippe Bourdeau, Les pionniers des Alpes du Dauphiné, de Pierre Lestas, etc. Des sommets ont fait l'objet de monographies, qui s’arrêtent en général à la Seconde Guerre Mondiale : La Meije, Les Ecrins, tous deux d’Henri Isselin. Il existe de très nombreux témoignages, dispersés dans des revues (Annuaires du Club Alpin Français, la Montagne et autres revues dont celles du G.H.M.) ou dans des ouvrages de souvenirs (par exemple, Au cœur des Alpes et Nos amies les cimes, de Jean Vernet ). Mais, il n’existait pas une synthèse couvrant toute la période et, pour les dernières décennies, il n’y avait quasiment rien d’accessible pour le grand public, alors que ces années-là ont vu un changement profond dans la manière d’aborder la montagne et le sens donné aux ascensions (le goût de l’exploit, de la difficulté technique, souvent associé à un certain art de vivre).

L’ouvrage est découpé en 26 chapitres, respectant un équilibre entre les périodes. Après les premiers temps (en gros jusqu'à la Première Guerre), en 6 chapitres, on poursuit par la période de l’entre-deux-guerres, puis, toujours dans un bon équilibre entre la période racontée et l’importance des chapitres, toutes les années depuis la dernière guerre. Il y aurait pu y avoir deux travers, celui de donner plus d’importance à la période de l’âge d’or, avec son côté épique et son charme suranné, ou, au contraire, de donner plus d’importance aux années récentes que l’auteur a lui-même connues et, pour certaines des courses, dont il a été un acteur majeur. En réalité, c’est l’équilibre qui prévaut.

Il  faut souligner la qualité des illustrations, avec, pour chaque chapitre, de belles photos, dont certaine sont de l’auteur. J'ai choisi de reproduire celle-ci (Le Pic Coolidge) :


Pour moi, c'est déjà un ouvrage de référence, qu'il est indispensable d'avoir dans sa bibliothèque pour tous les passionnés des Alpes dauphinoises, mais, plus généralement, pour tous les passionnées d’alpinisme et d’histoire de la montagne.

Avant de finir et de vous laisser découvrir par vous-même ce livre, deux petits faits.

Il y a toujours un petit jeu pour le lecteur, qui est de détecter un manque, un fait ou un personnage dont on pense qu’ils ne sont pas suffisamment mis en valeur, voire même cités. A ce petit jeu, j’ai regretté qu’il n’y ait aucune mention d’Ernest Thorant, un des pionniers d’une autre façon de faire de l’alpinisme dans le massif des Ecrins, mais à qui son décès prématuré dans un accident à La Meije en 1896 n'a pas permis de donner toute la mesure de son talent (pour en savoir plus, cliquez-ici).

L’autre fait, que j’ai appris de l’auteur lui-même, est que grâce à mon site, je lui ai fait découvrir les souvenirs d’alpinisme d’Auguste Reynier : Quelques ascensions, dont deux illustrations sont reprises dans l'ouvrage.


C'est une petite satisfaction personnelle, mais je suis aussi heureux que mon travail de mise en ligne et de description d’ouvrages soit une source et une référence pour des travaux et des auteurs. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour renvoyer vers un document qui a été mis à disposition par le Parc National des Ecrins à l’occasion du 150e anniversaire de la première ascension de la Barre des Ecrins par Wymper, Moore, Almer en juin 1864. Mis en contact par mon site, je leur ai fourni les illustrations (cartes, reproductions) de deux des panneaux : cliquez-ici. On reconnait sur ce panneau une des premières représentations des Ecrins extraite de OutlineSketches in The High Alps of Dauphiné, par Thomas-George Bonney, paru en 1865. 


Malheureusement, cet ouvrage fondamental est peu connu, alors qu'il représente une contribution majeure à l'histoire de la découverte du massif et, d'un point de vue bibliographique, une vraie rareté. Il marque le passage de la période des touristes à la recherche des sites pittoresques, aux scientifiques et alpinistes qui cherchent à donner une description précise et exhaustive du massif et veulent gravir les sommets qu'ils voient à leur portée. Après ce livre fondateur, l'alpinisme dans le massif des Ecrins pouvait véritablement commencer.

Pour revenir à l'objet de ce message, un lien vers un extrait d'une conférence de François Labande sur l'histoire de l'alpinisme dans les Écrins : cliquez-ici.


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